Face aux violences numériques : reprendre le contrôle, une preuve à la fois

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Julien Hoang
1 janvier 1970
4 min de lecture
violences numériques
  • Votre smartphone, vos réseaux sociaux, vos messageries... Ces outils qui facilitent votre quotidien peuvent aussi devenir des armes entre de mauvaises mains. Le harcèlement en ligne ne se limite plus aux commentaires blessants : il s'infiltre désormais dans votre intimité par des moyens que vous ne soupçonnez peut-être même pas.

Mais voici une bonne nouvelle : vous n'êtes pas démuni face à ces violences. Avec les bons réflexes et quelques connaissances, vous pouvez transformer ces menaces en preuves solides pour vous défendre.

Quand la technologie se retourne contre vous

Deux phénomènes inquiétants se sont développés ces dernières années :

Le stalkerware, ces logiciels espions qui transforment votre téléphone en mouchard. À l'origine conçus pour surveiller les enfants, ils sont détournés pour traquer des conjoints ou ex-partenaires. Vos messages, vos déplacements, vos appels : tout peut être espionné en temps réel. Les associations estiment que près de 70 % des victimes de violences conjugales subissent une forme de surveillance numérique. En France, ces pratiques sont punies par la loi : jusqu'à deux ans de prison pour captation de données de localisation sans consentement, avec des peines alourdies dans un contexte conjugal.

Les deepfakes, ces montages vidéo ou photo générés par intelligence artificielle. Ils créent de fausses images compromettantes qui semblent parfaitement réelles. En 2025, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme a alerté sur leur usage croissant contre les mineurs, notamment des collégiennes ciblées par des montages pornographiques.

Le résultat ? Un sentiment permanent d'être observé, jugé, piégé. Une impression de perdre le contrôle de sa propre vie.

La preuve numérique : votre meilleure alliée

Paradoxalement, le numérique qui vous expose peut aussi vous protéger. Chaque message, chaque publication, chaque interaction laisse une trace. Et ces traces peuvent devenir des preuves recevables devant la justice.

Voici les gestes essentiels à adopter :

Documentez systématiquement. Face au harcèlement, prenez des captures d'écran qui incluent toujours la date, l'heure et l'identité de l'auteur (même sous pseudonyme). Ces détails font toute la différence pour prouver la réalité des faits.

Conservez les URLs complètes. L'adresse web exacte d'un contenu aide à en prouver l'authenticité. Si possible, sauvegardez aussi les métadonnées techniques des fichiers : elles indiquent quand et où ils ont été créés.

Archivez avant qu'il ne soit trop tard. Les contenus en ligne peuvent disparaître en un clic. Des services comme Archive.today permettent de créer des copies horodatées et certifiées de pages web ou de posts éphémères.

D'ailleurs, en 2025, la loi française a renforcé l'arsenal juridique contre le harcèlement numérique, imposant aux plateformes de supprimer les contenus illicites sous 24h, sous peine de sanctions allant jusqu'à 6 % de leur chiffre d'affaires mondial.

L'OSINT : enquêter comme un pro

L'OSINT (Open Source Intelligence) désigne l'art de transformer des informations publiques en preuves solides. Rassurez-vous, pas besoin d'être expert en informatique pour s'y mettre.

Vérifiez l'authenticité d'une image ou d'un contenu suspect avec des outils comme ExifTool, qui révèle les informations cachées dans les fichiers (date de création, appareil utilisé, localisation...).

Multipliez les sauvegardes de vos preuves selon la règle du 3-2-1 : trois copies sur deux supports différents, dont une hors de chez vous. Utilisez des supports chiffrés pour éviter que vos preuves ne tombent entre de mauvaises mains.

Stockez en sécurité. Des applications comme Mémo de Vie (développée par France Victimes) ou App-Elles offrent des espaces protégés pour consigner tous ces éléments. Le numéro 3018, géré par l'association e-Enfance, reste un recours essentiel, particulièrement pour les jeunes victimes.

De la peur à l'action

Les violences numériques ne sont pas une fatalité. Vous pouvez reprendre la main. En apprenant à documenter ce que vous subissez, à archiver les preuves et à les sécuriser, vous passez du statut de victime passive à celui d'acteur de votre défense.

La technologie qui vous a rendu vulnérable peut redevenir votre alliée. Il ne s'agit plus seulement d'appeler à l'aide : il s'agit de construire, pièce par pièce, le dossier qui fera la différence.

Face aux violences numériques, la connaissance et la preuve sont vos meilleures armes.

Ressources utiles :

  • 3018 : numéro national contre le harcèlement en ligne (gratuit, anonyme, confidentiel)
  • App-Elles : application d'alerte et de documentation des violences
  • France Victimes : accompagnement juridique et psychologique